Tous les dessins que j’exécute sont, à la façon d’un polaroïd, épluchés. Pour accéder au « rendu » final, je retire un film plastique qui va joncher le sol en désordre, c’est la partie gargantuesque du travail, c’est la partie viscérale, la partie débordante, la partie que je n’arrive pas à canaliser. Tout mon travail de dessin s’accompagne d’un rebut, de mètres cubes de barbes d’adhésif incisées, découpées, en vrac, que je stocke dans des sacs.
Ce « débord », cette accumulation de barbes d’adhésif, je peux aussi le recycler dans la fabrication de boules. Les dessins recouverts d’un film d‘adhésif sont épluchés. Mes mains longent le dessin, le noyau de la boule s’épaissit, il grossit au fur et à mesure de la production.
Les fibres sont enroulées en pelote. Au fil des années ces boules sont comme des pierres de quartz qui une fois ouvertes permettent la datation des œuvres. Si je ne datais pas mes dessins, il serait toujours possible d’en retrouver la chronologie en sciant ces boules. Une fois ouvertes, les générations de dessins se traduisent par l’enroulement multicolore des couches d’adhésif sur elles-mêmes. Une boule pèse parfois plus de 9 kilos, c’est une sphère qui vire du bleu au rouge en passant par toutes les couleurs utilisées à l’atelier.