Le fil est insignifiant, il est dérisoire
il est la trame, le réseau, le chemin, une épopée
il est le dessin originel
le fil s’entortille sur lui-même
il est parfois tordu, emmêlé, coupé net, délié,
comme parfois les traits
Le fil coupe, divise
il est l’épaisseur en moins, c’est mon maître étalon.
Le fil est intime, il est à moi seul.
S’en approcher c’est l’obstruer.
Le fil sépare de la gauche
il distingue et m’oriente
c’est mon lieu
mon ordonnée, ma latitude
je l’installe vertical.
Mon bâton de sourcier.
L’empreinte de fil, l’oued de la peinture
Les Complices sont des signes découpés dans un drap léger, parcourus par une empreinte de fil sur leur partie supérieure, ce sont des signes archaïques, une ombre portée apparaît parfois qui les double. Soit un Y renversé dont le corps central étire un ruban de toile noire marqué de l’empreinte blanche d’un fil. Cette empreinte simple ou double, présente parfois des nœuds, des boucles. Deux jambes dégagées dans le droit fil du ruban le prolongent. La tension provient des extrémités épinglées ; une épingle au sommet, deux à la base. Sur un mur blanc le fil est invisible, lorsqu’il est surligné de noir il apparaît. L’ombre dégagée par le mur blanc est aussi nette que le fil. Je questionne la peinture en la disséquant. Le tissu est pour moi un socle originel. Je dépiaute, découpe, écarte, je démantèle. Certaines de mes œuvres sont constituées d’un seul et unique fil épinglé. Le fil est constitutif de la toile, il est l’irréductible support de la peinture. Penser la peinture à partir de ce support zéro. Dépiauter une pièce de tissu jusqu’au fil et tendre ce fil au mur.